Clemente GUEARTI

Clemente GUEARTI, mon Maestro !

Je trouve amusant, ce n’est qu’une parenthèse, de citer, en tout premier lieu, le propos tellement vrai de Jonathan SWIFT, écrivain et satiriste irlandais, que l’on peut rapporter à mon Maestro Clemente Guearti :

« Quand un vrai génie apparait en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui. »

Et des imbéciles, j’en ai hélas rencontrés, jusqu’à être obligé à faire un procès à l’un d’entre eux qui, habitant la région parisienne, a été contraint de bien connaître le tribunal de Rouen et sa magnifique architecture ! 

Mon Maestro était, dans son domaine, un véritable génie !

Clemente GUEARTI, d’origine espagnole sud américaine, de son vrai nom ARTIGUE, est né le 12 novembre 1892 à Bahia Blanca, Argentine.

Son adolescence se déroule à Madrid, ville dans laquelle sa famille possédait une fabrique de coutellerie.
Très rapidement, le chant lyrique l’attire et il rejoint le pool d’élèves du Maestro Giovanni CASTELLANO,  49 rue Monti à Milan. Rue qui existe toujours.
Il était doté d’une voix exceptionnelle de fort ténor, ce qui faisait dire à Jacques POTTIER, ancien ténor de l’opéra de Paris, que sa voix ressemblait et était aussi grande que celle de CARUSO.

Formé à la fameuse école italienne de Milan, une de celles à avoir donné les plus grands chanteurs, il débuta au Théâtre Royal de Madrid dans le rôle de Jean du Prophète.
Puis c’est le Liceo de Barcelone qui l’accueille, le Théâtre Colon de Buenos-Aires et enfin La Scala de Milan.

Il y chante Il Trovatore, Aida, Pagliacci. etc.

Une anecdote : dans Pagliacci il portait au 1er acte une sorte de vareuse de couleur jaune avec d’énormes boutons rouges. Au 2ème acte c’était l’inverse : vareuse rouge avec de très gros boutons jaunes…

Le « Journal Dramatique«  de Rome en date du 14 février 1919 dit, je le cite :

« Il faut reconnaître, au sujet de Manrique du Trouvère que la méthode dont se sert le ténor GUEARTI est une des meilleures que nous ayons, elle nous rappelle nos anciennes célébrités de l’Art du chant… »

Je possède l’extrait du journal en question que sa fille Paule m’a donné.

Un accident, à la fin d’une représentation, met fin à sa carrière.
Après plusieurs interventions en Italie, sans résultat, il entend parler du professeur Rocher à Bordeaux (France) qui faisait paraît-il des miracles.

L’intervention est encore une fois un échec et la scène lui est désormais interdite.
Ses anciens maîtres italiens le sauvent de l’inaction : de retour à Milan Giovanni Castellano lui inculque l’art d’enseigner le chant.

Car il faut bien noter qu’être un bon chanteur n’est pas suffisant pour enseigner et « placer » la voix d’un élève, étape incontournable avant d’interpréter des airs d’opéra.

Il faut donc avoir appris à enseigner, ce principe est d’ailleurs valable pour n’importe quelle matière, littéraire ou scientifique, des lycées et facultés.

Entre temps Guearti fait des études médicales à Madrid, sans toutefois les mener à leur terme.

Car il est obligé de revenir à Bordeaux pour suivre, à nouveau sans succès, des soins chez le professeur Rocher.

Après avoir enseigné en Italie, il se fixe définitivement dans cette ville du sud-ouest de la France et, en 1923, fonde son Ecole de Chant, y fonde une famille après avoir épousé sa première élève, Suzanne, mezzo-soprano. 

  • Ci-dessous lettre sur l’honneur, écrite par leur fille Paule, affirmant que son père a bien reçu du Roi Alphonse XIII d’Espagne une canne à pommeau en or après une représentation au Théâtre Royal de Madrid !
  • Lire (ci-dessous) le paragraphe en bas et à gauche d’un article écrit dans un journal local de Bordeaux : « LA VIE BORDELAISE » du 10 décembre 1955

L’opéra de Bordeaux, anciennement appelé « le Grand Théâtre », de jour……

……….et de nuit

‘The Grand Theatre’ Opera House illuminated at night in the ‘Place de la Comedie’. Inaugurated in 1780, architect Victor Louis

Je désire également citer un extrait d’une revue de l’époque dans laquelle le rédacteur écrivait :

 » Qu’est-elle donc cette méthode qui est capable de créer une voix avec les qualités nécessaires à la scène ?
Qualités de timbre, de puissance, de durée, de facilité, d’efficacité. Il est de fait que les chanteurs formés par le Maître Guearti durent et progressent. Il est arrivé que ces voix ne sont jamais plus à l’aise qu’après le premier et même le second acte. »

C’est le baryton Robert Vidal qui écrit de Dijon (France) où il est engagé (lettre du 30-9-1953) : Chaque représentation était pour moi la confirmation éclatante de tous les conseils dont vous avez su m’armer. Grâce à votre méthode, la carrière théâtrale ne me fait plus peur. Je remercie Dieu de vous avoir mis sur ma route.

C’est également Roland Cougé, engagé à Lyon (France) pour la saison 1953-54 mais qui a préféré cette année se produire à Lausanne, Venise, Gênes, Turin et Milan. Les critiques vénitiens reconnaissent en lui les qualités des chanteurs de la péninsule italienne et lui ont ouvert les portes des théâtres de toutes les grandes villes italiennes.

Le cours du professeur Guearti tient son efficacité de la connaissance absolue de l’organe vocal. Car il a acquis la certitude du rôle primordial joué par le nerf pneumogastrique et sa branche collatérale le nerf récurrent, commandant au larynx, aux cordes vocales et à l’ouverture de la glotte au moment de « l’attaque » du son.
S’il n’a pas parlé des coefficients de chronaxie, temps nécessaire pour stimuler une fibre musculaire, définis par le professeur Lapicque pour la classification des voix, il donne des moyens sûrs et pratiques de déterminer celles-ci.

C’est exactement la méthode que j’emploie à mon tour avec mes élèves pour toute la durée de leur formation. J’y reviens dans les pages qui suivent !

De plus, les théories de Raoul Husson, auteur des Phénomènes fondamentaux de la voix chantée, peuvent soutenir que l’air ne ferait pas vibrer les cordes vocales, mais vibrerait parce que les cordes vocales elles-mêmes vibrent, entre autres par le mouvement d’adduction et d’abduction qui les anime, et de l’air qui arrive sous pression notamment lorsque l’on chante.
Le maître Guearti base sa méthode sur le rôle du système nerveux dans l’émotion, le contrôle de l’émission vocale, le soutien vocal et la respiration diaphragmatique. Le rôle du cortex est dès lors primordial !

Les résultats sont probants, comme peuvent de nos jours en témoigner mes propres élèves, avec lesquels j’insiste tellement lors des cours !

Maintenant un point important, fondamental même,  :

Il a également prouvé que la voix ne résonne pas mais se projette, contrairement à ce que l’on dit en France et ailleurs… Pour cela il s’est rendu à l’hôpital de Madrid pour se faire remplir les sinus maxillaires d’eau distillée. Sa voix chantée était exactement la même qu’avant cette petite « intervention » facile à pratiquer et indolore.

Résonner est ce qui se produit quand on jette un caillou sur la surface d’une eau : des cercles concentriques entourent le point d’impact, mais deviennent rapidement de plus en plus faibles et finissent par disparaître ! 

Allez donc remplir une salle de spectacle avec çà ! Sauf si la salle est équipée d’un matériel d’amplification comme cela se produit de nos jours un peu partout pour pallier à l’insuffisance vocale des chanteurs !

Il faut donc oublier très vite l’existence des soi-disant résonateurs dont parlent ceux qui ne savent pas placer la voix d’un chanteur avec la seule méthode qui respecte les lois de l’acoustique et la physiologie humaine.

D’ailleurs, où seraient-ils placés, anatomiquement parlant au niveau du crâne, puisque ce ne sont pas les cavités sinusales qui servent à cela ?

Un « crétin » m’a répondu un jour : je ne sais pas où ils sont…..mais ils existent !

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       Où sont les résonateurs ? Nulle part !!!

Maître Guearti s’est éteint le 20 décembre 1959 à midi, à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, aujourd’hui le Tripode.

Sentant sa fin prochaine, il a cependant eu la force de chanter la matinée de ce jour fatidique tous les grands airs du répertoire.
J’étais son fils spirituel, vu les services rendus lors de sa terrible maladie, et à ce titre je tiens aujourd’hui à faire connaître et transmettre cette méthode unique. C’était son désir, ce qu’il avait exprimé !

Dans le monde entier je ne crois pas qu’il puisse exister, de nos jours, beaucoup de professeurs la connaissant et sachant l’enseigner.

Pourquoi ? Tout simplement car celui qui désire transmettre son savoir à un élève doit avoir appris à le faire.

Même chez les plus anciennes gloires du chant italien, pourtant incontournables dans le domaine de l’interprétation, ils ne sauront pas former un débutant. Je dis bien : un débutant !

Sauf peut-être en Russie, si on en croit Anna NETREBKO, et si on écoute la grande et remarquable basse actuelle Alexander VINOGRADOV dont la formation est typiquement celle des grands chanteurs du passé, et maintenant la soprano Suzanna MARKOVÀ dont j’ai eu la chance de faire la connaissance à l’opéra de LIEGE en Belgique dans l’opéra « les Puritains » de BELLINI.

Ecoutez une page d’opéra de ces 2 artistes dans le chapitre Classification des voix.

J’ai reçu il y a quelques années maintenant de sa fille Paule une série de documents qui ne sont pas essentiels pour ceux qui n’ont pas connu le Maestro, mais qui témoignent de son existence en tant qu’homme, professeur et chanteur.
Rien de ce qui est écrit dans cette page et les autres ne peut s’inventer.

Ci-dessous, au 13 de la rue de Soissons à Bordeaux, la maison dans laquelle je suis venu chaque jour pendant 10 années prendre les cours de chant. Au rez-de-chaussée, volets ouverts la pièce où se tenait le Maestro, au 1er étage celle où son épouse officiait.

13 rue de Soissons Bordeaux

  • La photos des élèves de mon Maestro :

C’est avec beaucoup d’émotion que je mets en ligne les photos en question, reçues de sa fille Paule que je tiens à remercier infiniment et saluer ici, document  confié en témoignage d’amitié et d’affection ; d’autant plus que j’ai travaillé avec 3 des élèves représentés : Claudia COLOMBO, Monique ARTOSA et José BATLLE, placés avec…..:

Votre serviteur, à l’époque, si vous le permettez… :

Photo Roger jeune

Cette documentation est importante mais elle constitue quelque chose d’unique, un vrai trésor à mes yeux, prouvant l’excellence de l’enseignement du Maestro GUEARTI.

Grâce à Mlle Claudia COLOMBO, je suis devenu l’élève du Maestro car c’est sa voix que j’ai entendue à plus de 200 mètres d’où je me trouvais ! Aujourd’hui je demande toujours aux conjoints des élèves, si possible, de sortir dans la rue pendant un cours et dire ensuite si la voix a « porté » jusqu’à ses oreilles !

Elle avait toutes les qualités pour devenir une deuxième CALLAS, si malheureusement elle n’était pas prématurément décédée d’une leucémie aigüe foudroyante !

Autre élève contemporaine, Monique ARTOSA, soprano lyrique, que j’ai perdue de vue après mon départ de Bordeaux. Elle était formidable dans le rôle de « Mimi » de La Bohème de Puccini.

Egalement : José BATLLE, gros baryton verdien, une voix énorme, qui chantait pour son plaisir uniquement, n’ayant pas hélas voulu se lancer dans la carrière !

Lucienne BLANQUI

Cette photo a été ajoutée le 22 mars 2014. Il s’agit d’une ancienne élève de mon Maestro, mezzo-soprano, que ce dernier a formée durant 5 années à partir de 1944/45. Elle a longtemps chanté dans les choeurs de l’opéra de Bordeaux, ville dans laquelle elle vit toujours (voir l’éditorial correspondant).

Lucienne Blanquie

Ci-dessus de nos jours, et en dessous à l’époque de ses études et de sa carrière.

Lucienne Blanqui

Maintenant : Luis MARIANO

Qui ne connait pas cet excellent ténor formé par mon professeur à la technique traditionnelle italienne ?En hommage à l’enseignement reçu de la famille Guearti il signe : » A Madame Guearti avec mon vieux et fidèle souvenir. »

Il n’y a que des gens de mauvaise foi, pour rester poli, pour dire que Luis Mariano n’a pas appris le chant avec notre Maestro commun. 

J’ajouterai, concernant Luis Mariano comme pour tous les élèves, moi y compris, que Mr et Mme Guearti avaient chacun leur rôle. Lui plaçait la voix des élèves, la développait etc., elle faisait de même mais était chargée en plus de l’apprentissage du répertoire en accompagnant les élèves au piano de façon remarquable.

Autres documents interessants : Je vous laisse lire ce qu’a voulu m’écrire Paule Guearti, sous forme de témoignage sur l’honneur !

……puis, surligné en jaune ci-dessous :

Autre document ci-dessous dans lequel j’ai surligné en rouge…ce que je vous
laisse lire, à la différence près que le Maestro Guearti n’exerçait pas au
conservatoire, mais en dehors de cet établissement, Dieu merci ! :

Autre témoignage : durant les années qui suivront passeront chez lui: Chérini, Vigno de l’opéra de Paris, Alcaïde, Barsac, Chanel, Chauvié, Yvette Clovis, Luis Mariano, Vilary, Germaine Pape, Roland Cougé, Robert Vidal, Yves Bory,  Ken NEATE ci-dessous, etc.

Je possède les photos dédicacées de tous les artistes dont les noms figurent ci-dessus, et d’autres encore. Elles figuraient dans la version précédente de mon site. Il serait trop fastidieux pour moi de les insérer à nouveau, mais je les tiens à votre disposition bien entendu !

Il a également formé beaucoup d’artistes étrangers, notamment en Espagne.

Là encore je possède toutes les photos données par sa fille Paule. Je les tiens à qui voudrait les voir.

Merci à vous tous et toutes.

 

 

 

                              

                    

                                   

                                 

                                        

Maestro  Luis Mariano  école italienne de chant