La respiration et le chant

La grande cantatrice qu’était Gina CIGNA a dit en son temps, je la cite :

« Si vous ne savez pas comment respirer, vous ne saurez pas comment chanter. »

Etant donné que « l’instrument voix » est l’équivalent d’un instrument à vent, il lui faut de l’air pour fonctionner, donc j’approuve totalement ses propos.

C’est pourquoi, après avoir classé la voix de l’élève, la deuxième étape du programme de la formation est de lui apprendre la manière de respirer, la seule compatible avec le chant, qui respecte totalement la physiologie humaine, car :

  • le bébé respire comme cela dès sa naissance.
  • la nuit nous respirons ainsi sans le savoir.
  • nos animaux de compagnie font de même.

Je le répète : le larynx est un instrument à vent. Donc il faut l’alimenter en air, c’est aussi simple que cela !

C’est dans l’ordre chronologique de la formation d’un élève.

La seule qui soit physiologique et adaptée au chant est la respiration abdominale.

Pourquoi physiologique ?

Parce que c’est la seule qui soit fixée par la nature. Seulement voilà : en grandissant on oublie, pour des raisons diverses, cette manière de respirer ; il convient donc de renouer avec cette habitude pourtant réflexe.

Pourquoi adaptée au chant ?

Car les cordes vocales étant disposées horizontalement, l’air expiré va venir les « frapper »avec une pression variable, de bas en haut, verticalement et perpendiculairement, vu leur position horizontale.

Permettant ainsi le soutien de la voix et sa modulation suivant la tenue et la position du muscle diaphragme par le mouvement de « va et vient » qui définie le Bel-Canto. Il en résulte ce que l’on nomme : « la ligne de chant »!

Arbre respiratoire pulmonaire

Vous voyez maintenant que l’air constitue l’élément premier qui, par ses vibrations, va donner vie aux sons émis.

Il n’est donc pas question de négliger l’importance de la fonction respiratoire, ce qui me doit d’ailleurs de recevoir beaucoup de demandes d’explications auxquelles je réponds toujours.

C’est une des bases de notre enseignement, car sans elle pas de soutien de la voix donc pas de ligne de chant, et nous le verrons plus loin : pas de « posizione alta » donnant le vernis à la voix !

L’air, aliment indispensable au fonctionnement de l’appareil phonateur comme peut l’être l’essence pour un moteur à explosion, doit pouvoir être amené et utilisé de manière rationnelle au niveau du larynx.

C’est lui qui, en vibrant au contact du bord tranchant des replis musculaires appelés à tort cordes vocales, est à l’origine des sons.

  • Attention, important :

A partir de leur tension, durant le temps expiratoire qui est justement celui de l’émission vocale, les muscles abdominaux poussent, de bas en haut, tout d’abord les viscères puis le muscle diaphragme lui-même, ce dernier préalablement « aplati » au cours de l’inspiration reprend sa forme en coupole convexe vers le haut.

La pression de l’air contenu dans la cage thoracique crée une véritable force motrice se libérant au niveau de la glotte, vibrant et créant le son.

Je le redis donc : il est ainsi aisé de comprendre que cette variation de la pression abdominale, donc de l’air sus-jacent, est à l’origine du « va et vient » sonore qui caractérise le Bel Canto.

 Que se passe t-il ?

  • Durant l’inspiration, la pression intra thoracique est inférieure à la pression de l’air extérieur, ce qui permet à ce dernier d’entrer de manière passive dans les alvéoles pulmonaires.

Avec cette technique, on évite le mouvement inutile et disgracieux qui consiste à soulever les épaules  au cours de ce premier temps. Le thorax ne doit surtout pas bomber au cours de ce temps inspiratoire !

  • L’expiration qui suit voit au contraire la poitrine bomber, la pression intra thoracique étant cette fois supérieure à la pression atmosphérique. C’est un temps actif cette fois !

Ce qui évite, au moment de l’émission vocale, la compression néfaste du coeur et la turgescence des vaisseaux du cou, toutes deux dangereuses pour la santé au cours de ce temps à pression positive. Sans oublier que cela est la cause de voix « courtes », l’épuisement total du chanteur, la fin de la carrière également !

Je le répète : cette manière de respirer est la seule valable et compatible avec la bonne production des sons.

Elle permet au coeur, organe noble, de battre sans la moindre contrainte de pression, donc sans fatigue ni usure prématurée. De même pour les vaisseaux sanguins du cou comme je l’ai déjà dit.

La voix qui en résulte n’est ni étroite ni de courte portée. Si en plus la technique d’émission est bonne, le chanteur est à même de pratiquer jusqu’à un âge avancé.

thorax10

Ci-dessus : Anatomie très simplifiée des poumons

radio pulmonaireRadio normale des  poumons : l’air, transparent, apparaît en noir, l’os est blanc à cause de la charge calcique. Il est aisé de voir le coeur, organe médian dont le ventricule gauche déborde légèrement du côté gauche des poumons sur cette radio prise de face. En dessous : le diaphragme.

Travailler la respiration

On dit souvent qu’il convient de beaucoup « travailler » la respiration. En quoi cela consiste t-il ?

Disons en premier lieu que pour chanter il n’est pas utile d’utiliser énormément d’air, mais il faut posséder une endurance aussi grande que possible.

Tout l’air expiré doit servir à la production des sons, il ne doit pas y avoir de « fuites ».

Je m’explique : considérons un certain volume d’air, disons 10 cm3 : la totalité de ces 10 cm3 doit « vibrer » (avec l’aide des cordes vocales qui elles aussi ont leur rôle par leurs mouvements d’abduction-adduction) pour se retrouver finalement sous forme de son, lequel va ensuite ensuite acquérir tout son caractère musical une fois projeté au niveau du  « point d’appui. »

Voir le chapitre correspondant, car ce que je viens de dire ci-dessus est fondamental !

 MONTSERRAT CABALLE

Montserrat Caballe

  • Dans la vidéo ci-dessus, Montserrat CABALLE illustre parfaitement la nécessité de bien exercer sa respiration. Extrait de l’opéra Maria STUART de DONIZETTI, écoutez à partir de  2:50 l’endurance et la tenue sans faille de la ligne de chant qu’elle possède. C’est admirable !

Cette grande soprano espagnole était réputée pour posséder un souffle interminable. Elle a acquis cette puissance respiratoire en travaillant son souffle très jeune, bien avant de commencer à chanter

Vous avez sûrement noté durant cette écoute la capacité de cette grande cantatrice à tenir une note en demi-teinte pendant un temps qui paraît interminable. Et au bout des 20 secondes elle trouve le moyen d’augmenter cette note, preuve d’un parfait placement au point d’appui pendant son chant « piano ». Avec un soutien de la voix remarquable et une non moins bonne ligne de chant.

Comment s’entrainer

Je recommande d’effectuer des exercices de respiration selon la technique décrite dans mon livre, en travaillant chaque temps à des moments différents de la journée.

  • En position couchée tout d’abord, en mettant une main sur la poitrine et l’autre au niveau de l’abdomen (et non de l’estomac), car il est ainsi plus aisé de contrôler les mouvements de ces deux régions de l’organisme.
  • Puis les exercices se feront debout, au moins trois fois par jour, le matin au réveil, le midi, le soir avant le coucher.

Il est recommandé, sinon obligatoire, d’être capable de remplir ses poumons en inspirant lentement par le nez, montre en main, pendant une minute,.

Le temps expiratoire se fera à un autre moment (et non pas à la suite de l’inspiration) , en soufflant lentement par la bouche, également pendant une minute.

  • Enfin s’exercer à garder l’air en apnée une bonne minute aussi, même un peu plus, car vous l’avez compris : on chante en apnée !

Des exercices de gymnastique au sol pour renforcer la musculature abdominale seront les bienvenus.

Tous les chanteurs de renom possédaient ces qualités. C’est le seul moyen de pouvoir tenir une note longtemps quand il le faut, de la diminuer pour obtenir un son  »mezza-voce« , sans le voir perdre ses propriétés musicales.

Avoir du souffle est capital, savoir le gérer ne l’est pas moins. L’air doit servir à 100% à la production des sons. Noter que plus on monte dans l’aigu moins il en faut, et il ne doit pas exister le moindre gaspillage, la moindre fuite. Si une quelconque fraction de cet air n’est pas utilisée pour produire les sons, c’est que la technique est mauvaise ou pas encore au point.

Car on ne doit pas chanter sur le souffle, expression ambigüe, mais sur le soutien de la voix, ce qui donne la pression nécessaire pour alimenter en air ce nouvel instrument de musique :  le larynx !

Je vous renouvelle ici ma proposition, sur ce point capital que constitue le contrôle du souffle, de ne pas hésiter à m’écrire pour toutes explications complémentaires, ou bien venir travailler une heure ou deux avec moi afin de ne pas faire d’erreurs.

C’est à ce premier point que je juge déjà la motivation d’un élève.

  • Ci-dessous une Master-Class de Montserrat Caballe, laquelle traite de la gestion du souffle et explique qu’il convient d’anticiper, c’est à dire sachant que dans cette vocalise la note un octave plus haut aura besoin de plus de pression d’air, elle demande d’augmenter cette pression dès la note du bas, sans attendre de le faire au dernier moment.

Nous sommes donc en plein accord sur cette technique de chant, notre technique, prouvant ainsi que celle que j’enseigne à mes élèves est bien la bonne, la seule valable !

Cette immense artiste mérite tout mon respect !

Un peu d’humour n’est pas interdit pour terminer cette page dont vous devinez facilement l’importance :